L’inventaire du Patrimoine

Un acte notarié daté de 1623, nous informe sur l’existence d’une tour à Conchiglio (1). Le notaire Gioliano de Domenico d’Olchini (Olcani), à la demande du propriétaire « Maseo » quondam Nicolo, propriétaire d’une tour d’habitation ( « casa o sia tora ») sise à Conchiglio, vient dresser acte à « La Nonziata de Baretali », dont les « Maestri muratori » Michele Genovese et Giovanmateo de Pietra Corbara, ont estimé la valeur à cinquante écus en présence du dit Masseo et des témoins Antonfidelo quondam Nicolo (peut-être le frère de Masseo). Simone quondam Mateone et Simonpaolo de Maestro Antonmariano, tous du dit lieu de Barrettali. Cet acte nous révèle donc, qu’il y a au moins une tour à Conchiglio à cette époque. Où était-elle située? Seule une maison du haut du village possède encore un mur dont la base est talutée (2). Cette habitation a dû être une tour carrée. Au bas de Conchiglio un lieu-dit « Turraccia » indique probablement l’emplacement d’une ancienne tour. A Minerbio, village isolé de la commune, on trouve deux maisons dont la base des murs présente un « fruit »(2). Autrefois, il y avait là deux tours carrées. Avant la construction de la Route Impériale 198 (aujourd’hui départementale 80), il y avait deux hameaux: Minerbio Soprano et Minerbio Sottano, bâtis chacun autour d’une des tours. A la fin du siècle dernier, les habitations d’ailleurs plus cossues (Américains) se sont construites sur la nouvelle route entre les deux agglomérations primitives faisant de l’ensemble un seul village. Conchiglio et Minerbio sont deux villages à l’écart du reste de Barrettali, et si l’on excepte la marine de Giottani, les autres villages et hameaux de la commune sont plus groupés. Dans ce dernier ensemble que l’on peut appeler Barrettali-centre, et qui comprend une dizaine de villages et hameaux, trois seulement ont possédé des tours d’habitation. Pietricaggio avait une « turretta ». Mascaracce avait une tour dont il ne subsiste qu’un pan de mur ; peut-être était-elle la résidence de celui qui aurait donné son nom au village, un certain « Mascaro » ou « Mascarino » (3). Enfin, il existait à Torra une ancienne tour carrée qui a donné le nom au village et qui, d’après la tradition orale, aurait été brûlée lors d’une incursion barbaresque sans doute au début du XVIème siècle. On peut en voir encore les fondations dans la cave d’une des maisons.

En dehors des tours d’habitation situées dans les villages. on retrouve les ruines d’autres ouvrages défensifs isolés.

On peut citer :

  • Le château de Castelluccio, ancien fortin qui dâterait du XIIIème siècle constitué d’une tour quadrangulaire avec murs d’enceinte. Ce fort dominait les anciens hameaux de Casteluccio et de Vezzolacce tout proches et le village et donc la tour de Torra plus bas.
  • La tour de Calcatoggio (ou Carcatoggio). ou de Giottani, appelée encore tour de Castelluccio, dominant la marine de Giottani, dont il ne reste que la base. Ce serait une tour médiévale antérieure aux tours génoises (non répertoriée parmi ces dernières). On peut supposer – et cela serait confirmé par le nom de Castelluccio qu’elle a porté- qu’avec le fort de même nom, elle formait la ligne de défense de la frontière sud de la Seigneurie des Da Mare, la tour servant d’avant-poste au château. Rappelons que le territoire de Conchiglio, situé entre cette ligne et la limite nord du fief des Gentile (Canari), était possession des évêques de Nebbio, dont ils portaient le titre de comte (4).
  • La tour ronde du sommet du Monte Minerbio, dont il ne reste également que la base avec à l’intérieur le fond de l’ancienne citerne carrée à enduit rose. Cette tour serait également antérieure aux tours génoises car ne figurant pas sur l’inventaire de ces dernières.
  • Enfin le château dit de Minerbio (Castrum Minervii des documents historiques). Ce castello, construit avant la conquête d’Ansaldo da Mare (5), était situé d’après Piccioni. au sommet du Monte Minerbio (6). Or en dehors de la base de la tour dont nous avons parlé, on ne trouve plus aucun vestiges. L’ancien « Castrum Minervii » se limitait-il à une simple tour ronde ? La tradition orale donne Ficaghjola (ancien village médiéval surplombant Minerbio), comme lieu de résidence du petit seigneur de Minerbio. qui devait être un lieutenant des Da Mare. Ficaghjola était situé à l’opposé du mont par rapport au village de Minerbio. et donc assez éloigné de l’endroit où était supposé être le château. Le souvenir de ce castello a complètement disparu de la mémoire des Minerbiais.

Pour faire donc le point des connaissances actuelles, on peut dire que sur le territoire de Barrettali il y avait deux castelli (en comptant celui de Minerbio), deux tours rondes médiévales et sept tours carrées d’habitation (dont deux à Conchiglio et deux à Minerbio).

(1) A.D.H.C, 3 E 15/4 et 5

(2) Le talus est la face d’un mur ou d’une partie d’un mur ayant un fruit très accentué: mur taluté. Le fruit est l’obliquité d’un mur par rapport à la verticale.

(3) cf « A Cronica » n° 6 p. 12.

(4) cf « A Cronica » n° 3 p. 20. Dans cet article une question se posait alors « Pourquoi les évêques de Nebbio revendiquaient-ils cette terre de Conchiglio » ? Une publication récente du professeur Silio P.P. Scalfati de 1’université de Pise « Un cartulario d’intrumenti antichi rilativi al patrimonio dei Benedittini pisani in Corsica », nous donne peut-être une réponse. En effet, à la page 262 il est écrit:  » Item tenemus ecclessias Annunciata de Barettali et Oliastri Capi Corsi annexas dicta ecclesiae Sancti Nicolai (plebs de Tomino)  » . L’église de l’annonziata de Conchiglio, antérieure à la chapelle conventuelle sous le même vocable. était possession des Bénédictins de la Gorgone.

(5) Histoire du Cap Corse de Camille Piccioni. Acte du 8 octobre 1246, par lequel Jacques Peverelli fils de Sozzo et Sozzo fils de Guillaume, vendent leurs droits sur les châteaux des Motti, d’Oveglia et de Minerbio.
(6) Ibidem: Piccioni situait l’ancien château à l’endroit où est plantée une croix, au sommet du Monte Minerbio du côté terre, c’est à dire à l’est.

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