Les édifices religieux

Parmi les sanctuaires du passé, et cela est valable pour tous les autres édifices, il y a ceux qui sont encore en état, il y a ceux qui sont en ruines et il y a ceux qui ont complètement disparu. Dans ces derniers, il faudrait distinguer ceux dont le souvenir est resté dans les mémoires et ceux que l’on a complètement oubliés. Nous allons voir, et cela est passionnant, comment un document ou un vestige archéologique découverts accidentellement, peut faire renaître une église ou une chapelle dont le souvenir avait entièrement disparu. Ainsi, sur le territoire de la commune de Barrettali ou ancienne paroisse de San Pantaleone (1), on peut citer comme édifices religieux anciens, les églises des trois paroisses actuelles, à savoir: San Pantaleone, édifice ancien, puisque reconstruit plusieurs fois, situé dans le hameau de  » Chiesa , « l’Annunziata » (ou l’Annonciade) paroisse de Conchiglio située à proximité, dans le hameau de l’Annonciade, ancienne chapelle conventuelle du couvent de Servites, et « Santa Catarina  » de Minerbio, ancienne chapelle reconstruite vers 1870-1875. A ces églises paroissiales il faut ajouter :

  • la chapelle de confrérie Santa Croce qui a dû être l’ancienne Santa Maria citée dans les Visites pastorales du XVIIè siècle.
  • la chapelle Saint Guillaume dans le village de Mascaracce.
  • la chapelle Saint Mathieu dans le village de Torra.
  • la chapelle Saint Jean-Baptiste située entre Pietricaggio et Li Olmi.
  • la chapelle Saint Roch à la marine de Giottani.
  • la chapelle Saint Vincent de Paul (privée) à Li Olmi.

Parmi les chapelles en ruines ou disparues, citons:

  • San Antonio située au-dessus de Minerbio près du lieu dit  » I Sitoni « 
  • San Bastiano à Li Olmi.
  • San Martino, située au-dessous de Mascaracce, dont les ruines ont disparu, mais dont il reste des pierres de remploi dans des murs à proximité.
  • Notre Dame du Mont Carmel, ancien oratoire de Stazzona, aujourd’hui disparu.
  • L’ancien couvent des Servites de Marie au hameau de l’Annonciade et sa chapelle de Confrérie.

Enfin, les chapelles dont le souvenir s’est éteint :

  • San Antonio (abatte) probablement située au hameau de l’Annonciade.
    Santissima Annunziata, ancienne église médiévale située à l’emplacement ou à proximité de l’actuelle église paroissiale de Conchiglio.
  • Santa Croce Vecchio, non encore identifiée.
  • San Matteo dont l’existence est attestée par un toponyme de cadastre.
  • Santa Maria dont on a parlé, qui serait devenue la  » Confrérie  » actuelle, ancienne chapelle de la Confrérie de Santa Croce.

A partir du XVIème siècle, les anciennes chapelles connues ont pour la plupart subi un  » transfert  » dans l’église paroissiale de San Pantaleone après leur abandon. C’est le cas de N.D du Mont Carmel, comme nous l’avons vu, de San Bastiano de Li Olmi et de San Martino.

Dans l’église paroissiale du XVIème siècle plus modeste. il n’y avait pas les deux dernières chapelles qui étaient encore ouvertes au culte. San Pantaleone comprenait alors quatre chapelles latérales. Monseigneur Spinola nous les cite en 1686 (2) : il y avait N.D du Mont Carmel avec sa confrérie depuis 1630, l’autel des Ames du Purgatoire après 1654, une chapelle privée dédiée à la Bienheureuse Vierge Marie avec une statue de la Vierge en marbre, ainsi qu’une confrérie féminine. Enfin il y avait un autel sous le vocable de Saint Antoine de Padoue. On ne peut savoir si cette chapelle est un transfert de Sant’Antonio de Minervbo dont la dernière visite date de 1635. Actuellement seule une statue en bois de Saint Antoine de Padoue, venant de l’ancien couvent se trouve à San Pantaleone, dans la chapelle de la Vierge.

Aujourd’hui, l’église paroissiale de San Pantaleone comprend, outre les chapelles précédemment citées, celles de N.D du Rosaire et celle de Saint Louis de Gonzague.

Après les avoir énumérés, voyons maintenant en détails chacun de ces édifices religieux :

« San Pantaleone » : l’église actuelle date de 1775-1822. La nef commencée en 1775 est due à l’architecte Gian Batta da Milano (3). Le choeur terminé en 1822 a été construit par Luiggi Leoni (4). Elle a subi un agrandissement en 1875 avec l’édification du frontispice par P.G Simonpietri (5). Une église romane sous le même vocable existait en 1269 (6), probablement à la même place. Une église baroque lui succéda vers 1580. Le campanile construit par Francesco Marengo date de 1614 (7). Une église préromane a pu exister à cet endroit.  » L’Annunziata « : située dans le hameau de l’Annonciade près du village de Conchiglio. Elle a été érigée en paroisse de Conchiglio en 1848. L’ancienne chapelle conventuelle a été agrandie et restaurée vers 1870-75 par P.G Simonpietri. La chapelle ainsi que le petit couvent de Servites auquel elle appartenait ont été construits en 1590, probablement par Marengo. En 1210, une  » ecclesia SSma Annonciata de Barrettali  » est mentionnée dans un inventaire des biens en Corse des Bénédictins de la Gorgona (8).
Cet édifice, roman ou préroman, devait être situé à l’emplacement ou à proximité de l’église actuelle (9). Abandonné par les religieux en 1790, le couvent resta habitable jusque vers 1889 (d’après les matrices cadastrales).

Santa Catarina de Minerbio a été construite par P.G Simonpietri vers 1870-75. Au même emplacement il y avait une chapelle sous le même vocable, dont on ne connaît pas la date de construction. Elle devint église paroissiale en 1856. D’après la légende (10) , elle aurait été bâtie à l’endroit où un temple consacré à la déesse Minerve avait été édifié. Le nom du village viendrait de là.

  • La chapelle de Confrérie Santa Croce succéda à un ancien oratoire  » Santa Croce Vecchio  » au XVIIIème siècle, dont on n’a pas encore trouvé les vestige (11) . Elle est située au hameau de Chiesa, derrière l’église paroissiale de San Pantaleone. Elle a été agrandie à la fin du siècle dernier (12). Entre les deux églises il y avait  » l’Arca « . Il semble, d’après une visite pastorale de Monseigneur Spinola de 1686, qu’avant le XVIllème siècle, la Confrérie était une église Santa Maria qui pourrait être plus ancienne que San Pantaleone.
  • La chapelle Saint Guillaume de Mascaracce, dont on ne connaît pas la date de construction (13) a servi d’église paroissiale pendant la reconstruction de San Pantaleone entre 1775 et 1822. Un triptyque récemment restauré et actuellement à San Pantaleone appartenait à cette chapelle.
  • La chapelle de Saint Mathieu à Torra, oratoire privé des familles Mattei de Torra, construite en 1854 par les frères Simonpietri (14) . Agrandie en 1898 (abside) et restaurée en 1936-
  • La chapelle Saint Jean des villages de Pietricaggio et Olmi, située entre eux, date du XIXème siècle. Retable de Novellini de 1879.
  • La chapelle Saint Roch de la marine de Giottani construite vers 1763 (15), agrandie un siècle plus tard.
  • Saint Vincent de Paul, chapelle privée des Giudicelli de Li Olmi, commencée en 1790, a été terminée en 1804. Le retable de Novellini date de 1879.

Parmi les chapelles en ruines ou disparues, on peut citer :

  • San Martino, chapelle romane aujourd’hui disparue, dont le site est indiqué par des pierres bien équarries dans un mur de soutènement sur la R.D 33. San Pantaleone et San Martino étaient copropriétaires des biens de l’église. Un triptyque avec les deux saints en panneaux latéraux, qui se trouve à San Pantaleone dans la chapelle de Saint Martin, devait lui appartenir.
  • San Antonio de Minerbio également disparue, était située près du lieu-dit  » I Sitoni  » sur le chemin qui partait de Minerbio vers Barrettali et l’ancien village de Ficajola.
  • San Bastiano de Li Olmi est aujourd’hui une étable. Une chapelle de San Pantaleone lui est consacrée avec son retable.
  • Notre Dame du Mont Carmel, ancien oratoire privé des Altieri de Stazzona, brûlé lors d’incursions barbaresques, a été transféré en 1630 à San Pantaleone avec son retable. Plaque avec les armoiries des Altieri.

Chapelles dont le souvenir s’est éteint :

  • Santa Annunziata, dont la seule mention connue est celle dont nous avons parlé, d’un inventaire de 1210 des possessions des Bénédictins de la Gorgona en Corse. Elle a pu être située à l’emplacement de l’actuelle église paroissiale de l’Annonciade (ancienne chapelle conventuelle), dont l’enclos de l’ancien couvent porte le nom de « Capella » (cadastre), ou bien au lieu-dit  » Annonziata  » situé à 100m à l’ouest de l’église et à proximité d’un ancien cimetière.
  • Santa Croce Vecchio, ancienne chapelle citée dans les visites pastorales des XVIlème et XVIIIème siècles (16) A dû être abandonné au XVIllème siècle (17), au profit du bâtiment actuel de la Confrérie. Difficile à situer, on pense que cet édifice devait être situé no loin de l’actuelle Confrérie.
  • San Matteo, dont la seule mention est un toponyme du cadastre. Ce lieu-dit de  » San Matteo  » est assez éloigné des villages actuels. Il est situé de part et d’autre du chemin qui partait de la marine de Giottani, pour accéder au col de Pinzu à Verghjine; donc sur l’ancien chemin marine-montagne vers Luri par le col. Enfin, à proximité il y avait le vieux village de Balsce (Balsia cité par Mgr Giustiniani en 1530) abandonné à la fin du XVIème ou au début du XVIlème siècle. Il est fort probable qu’une chapelle très ancienne (car aucun transfert ne s’est fait dans l’église paroissiale) se trouvait là à mi-chemin entre  » piaghja è muntagna  » (18). A cet endroit d’ailleurs, le lieu-dit  » Buda  » vient  » s’encastrer  » dans le lieu-dit  » San Matteo  » sur un site probablement préhistorique (19).
  • San Antonio de Conchiglio dont on n’a trouvé aucune trace, ni sur le terrain ni dans les mémoires des Conchigliais. Deux actes notariés dressés en 1732 découverts récemment (20) nous ont révélé l’existence de cette chapelle, qui serait située non loin de l’église de l’Annonziata et dédiée à San Antonio abbate.
  • Santa Maria: cette chapelle est mentionnée dans les visites pastorales du Nebbio jusque vers 1640. Or, la chapelle de Confrérie de Santa Croce ou Casaccia n’est citée qu’à partir de 1634. Comme nous l’avons vu, en 1654-1655 Santa Croce Vecchio doit être à l’état d’abandon puisque Mgr Spinola demande que l’on consacre un autel de San Pantaleone à Santa Croce. L’autel ne s’étant pas fait, c’est l’ancienne église Santa Maria qui a été prise comme chapelle de confrérie Santa Croce. Cela est confirmé par Mgr Spinola lors de sa visite pastorale de 1686 où il nous parle de l’oratoire Santa Maria dans lequel se trouve la confrérie d’hommes de Santa Croce. Donc, l’édifice que nous appelons actuellement  » la confrérie « , qui est situé derrière l’église paroissiale de San Pantaleone, a été une église sous le vocable de Santa Maria, avant d’être transformée en chapelle de la Confrérie Santa Croce. Par sa situation, cette ancienne église pourrait être antérieure à San Pantaleone. L’ancienne  » arca  » était située entre les deux églises. Derrière Santa Maria, il y a de nombreuses chapelles funéraires, et l’ancien cimetière est plus proche d’elle que de San Pantaleone.

En conclusion, sur le territoire de l’ancienne paroisse de San Pantaleone, nous avons pu recenser :

  • 3 églises paroissiales reconstruites sur d’anciennes églises ou chapelles
  • 1 chapelle de Confrérie, ancienne église,
  • 5 chapelles encore ouvertes au culte,
  • 8 anciennes chapelles ou oratoires,
  • 1 ancien couvent.

A cette liste, on pourrait ajouter les trois presbytères construits au XIXème siècle : celui de Minerbio (démoli au XXème), celui de Conchiglio (maison particulière) et celui de San Pantaleone (à Chiesa) à la commune. Enfin l’ancien presbytère, probablement de la fin du XVIème siècle, près de l’église de San Pantaleone, appartenant à un particulier.

A signaler, à l’ancien carrefour du chemin reliant Barrettali à Pino, avec le chemin d’accès à Minerbio, il y avait une croix sous le vocable de Saint Sébastien.

(1) Seule église paroissiale de la commune jusqu’en 1848. Cf A Cronica, n°l, page 8.

(2) Visite pastorale de Mgr Spinola in « Bibliothèque de l’Université  » de Gênes.

3) Cf  » Manualetto  » du Père Jean Augustin Giudicelli de Barrettali écrit à l’époque, publié par le Chanoine Letteron dans  » Le sillon de la Corse  » octobre 1911.

(4) Ces informations sont tirées du  » Libro della Parrochia di San Pantaleone di Barrettali (libro di spese), 1824-93.

(5) Pour P.G. Simonpietri, voir A Cronica n°7, page 10

(6)Cf A Cronica n°3 page 20 et Archives Départementales d’Ajaccio, série 4G75: Nebbio-clergé régulier, cartulaire de 8 feuillets comprenant 43 actes et  » La Corse Médiévale  » de Silio P. Scalfati, Editions Piazzola, Ajaccio, pages 374, 395, 396 et 397. Cette église de San Pantaleo mentionnée en 1269 devait avoir sa façade à la place de l’abside actuelle et lui était parallèle ; elle se trouvait au sud de l’ancienne église Sainte Marie devenue Chapelle de Confrérie et assez proche de cette dernière.
(7) La construction de ce clocher fait l’objet d’un article : A Cronica n°14 p51

(8) Cf  » La Corse Médiévale « , op. cit, page 284: un cartulario di istrumenti antichi relativo al Patrimonio dei Benedettini pisani in Corsica,  » item tenemus ecclesias Annunciate de Barettali et Oleastri Capi Corsi annexa dicte ecclesie Sancti Nicolai .. annus Domini 1210 « .

(9) L’enclos de l’ancien couvent et le côté nord de l’église portent le nom de  » cappella « .

(10) Cf A Cronica n°5, page 22,  » Barrettali Minerbio: la légende de Minerve « .

(11) C’est au cours de la recherche sur le terrain, de la chapelle Santa Croce Vecchio au lieu dit  » Piano Santa Croce  » que j’ai découvert une  » pietra scritta  » le 20 février 1995, authentifiée le 30 mai suivant par M. Magdeleine comme étant de facture préhistorique.
(12) Adjonction vers 1870-1875 d’une abside à 3 pans (semblable à celle de San Pantaleone), sans doute voûtée à cette époque. La précédente devait avoir la charpente apparente.

(13) En 1740, l’évêque de Nebbio charge l’abbé Sauveur Giudicelli  » del rifacimento della Cappella di San Gugliermo che minaccia rovina « .

(14) Cf Livre de comptes de la Chapelle de Saint Mathieu et A Cronica n°7 page 10.

(15) Archives Départementales de la Corse du Sud, Administration générale du Nebbio, Barrettali: le 7 mai 1763, la population demande à l’Evèque de Nebbio l’autorisation de reonstruire une chapelle dédiée à Saint Roch à la marine de Giottani.

(16) Voir A Cronica n°9 page 46: le crucifix miraculeux dont on parle dans cet article aurait pu se trouver dans cette chapelle.

(17) Dans les visites pastorales de 1654 et 1655, Mgr Spinola demande que soient érigées deux chapelles dans l’église San Pantaleone: l’une dédiée aux Ames du Purgatoire et l’autre à Santa Croce. Cela confirmerait que Santa Croce Vecchio n’est alors plus en état.

(18) A 370 m d’altitude environ, le col de Pinzu à Verghjine étant à près de 600 m (593).

(19)Au cours de la recherche des vestiges de San Matteo, je suis tombé sur un site préhistorique avec enceintes mégalithiques, au lieu-dit  » Buda  » voisin de San Matteo. D’après Silio P. Scalfati ( » La Corse Médiévale « , page 374),  » La Buda » était le lieu où siégeait le tribunal (A Veduta: prononciation corse Béùda, d’où peut-être Buda qui devait s’écrire Buta ou Vuta en corse), qui prononçait les sentences. Les témoins juraient sur la  » pietra per giurare « , qui pouvait être un dolmen ou une pierre tombale. Si le site de Buda était un lieu de culte païen, l’existence d’une chapelle paléochrétienne pourrait se justifier. San Matteo Pourrait être très ancien.
(20) Par J.C Liccia que je remercie:  » Ceppo (settimo) di M° Paolo Diffendini notaro d’Olmeta anno 1732  » p 45 verso:  » in piazza della chiesa della Santissima Annunciate Convento de Servi a Conchiglio verso la chiesetta intitolata S.sAntoni’o e fuori del luogo sacro…  » et  » in piazza publica convicino alla cappella di Santo Antonio a Conchiglio di Baretali…  » et microfilm de la Franciscorsa (ref. 348207) de 1696: commandes de messes aux Servites de Marie de l’Annunziata, à dire à Sant’Antonio.

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